Les campeurs

Basiquement, il me semble qu’il y a deux types de « campeurs » en mobile home : les Hardcore et les Occasionnels.

Les Occasionnels sont trop hétérogènes pour risquer une généralisation : newcomers errants dans les alentours de leur « home » découvrant tout dans une innocence réjouie mêlée à une inefficience crasse, multipliant les aller-retours au point de service dans une noria certes distrayante, mais attirant aussi les regards compatissants de « ceux qui savent ». Dans cette catégorie des opportunistes tombent aussi les Loueurs, dont on sent bien le métier transparaître au travers de leur aisance campiguesque, mais qui par leur accoutrement neutre ainsi que par le peu de temps passé à bricoler, optimiser, nettoyer, peaufiner, réfléchir et planifier auprès de leur véhicule, trahissent ainsi l’amateur éclairé, parfois même bien allumé, mais pas l’illuminé de l’intérieur, celui qui brûle du feu sacré, celui qui a reçu le savoir, qui a déchiffré le code, lu les écritures : je parle du Hardcore.

Vous aurez eu un premier aperçu ci-dessus, en creux, de ce qui le caractérise. Mais s’arrêter là ne lui rendrait pas hommage, lui qui investit un temps non négligeable de sa vie terrestre à user de la gomme sur les routes de la planète.

L’accoutrement et l’activité principale du Hardcore permettent, à la hache, ou plutôt dans notre contexte, au marteau à sardine, d’oser trois sous-catégorie: le Jet-camper, sorte de jet-setter mais dont le nomadisme se fait roulant et non volant; le Symbiotique, dont la relation intime avec son véhicule tendrait à le rapprocher du lichen, dont il peut parfois même prendre l’aspect; le Pilier, dont on aurait tendance à penser qu’il a choisi ce mode de vacances pour pouvoir transporter partout et en permanence son débit de boissons avec lui.

Détaillons si vous le voulez bien un peu l’habillement et les activités de ces trois sous-catégories, sachant que pour faciliter la fluidité de votre lecture, j’ai tout mis au masculin, mais que cela s’applique sans réserve à la gente féminine, présente pour une fois à parité dans toutes les catégories et sous-catégories évoquées, quoique souvent moins exagérément typée.

Le Jet-camper aime le blanc : pantalons, robes, blouses, pulls, mobile-home/caravane XXXL, coussins, petite statue de bouddha thaïlandais, rideaux. Tout est blanc et le reste, ce qui laisse à penser que cette sous-catégorie est soit touchée par une grâce immaculée, soit réserve un budget conséquent, voire une pièce de leur engin, aux lessives. Son activité principale semble pour une partie se passer ailleurs, car il est très souvent absent, sautant dans sa Smart ou sa Fiat 500, qu’il remorque derrière ou embarque carrément dans le vaisseau mère, et pour une autre part passant son temps à socialiser avec ses pairs autour de cocktails colorés ou d’un verre de champagne frais, confortablement installés dans un lounge d’extérieur sorti d’on ne sait où.

Le Symbiotique lui aime à s’habiller en Jack Wolfskin, s’entoure d’une foule de petits étuis portés à la ceinture, histoire de ne jamais être pris au dépourvu par une vis un peu lâche, un allume-gaz récalcitrant ou une fauvette à bec jaune posée sur le bord de son antenne satellite, celle pour les chaînes UK, pas celle pour météosat. Le symbiotique ne met un short qu’à partir de 32 degrés, laissant apparaître ainsi une chair pâle mais nerveuse, le symbiotique étant généralement du genre efflanqué, voir sportif. Son activité principale semble être du domaine de la logistique et de la planification, il est ainsi le puit de science en ce qui concerne les prévisions météo, la distance aux commerces les plus proches, la marche du camping, ainsi que tous les meilleurs modèles de visseuse à accus.

Quant au Pilier, comme son nom l’indique assez fidèlement, il possède un physique massif, souvent court et large, lui donnant l’ancrage au sol nécessaire pour garder une verticalité menacée dès l’heure de l’apéro par l’abondante générosité de son frigo. Le t-shirt sans manche, le short Adidas et les crocs ou les adilettes complètent généralement la panoplie du Pilier, qui reste un personnage sympathique et facile d’accès, toujours prêt à aider l’Occasionnel en difficulté. Son activité principale rejoindrait pour partie celle du symbiotique, car la logistique d’approvisionnement et le déroulement de celui-ci occupe une bonne partie de sa journée. Incollable sur les spécialités locales, il existe néanmoins des Piliers au comportement atavique, important leurs boissons par packs entiers, évitant sans doute un dépaysement éthylique aux conséquences fâcheuses pour leur flore digestive, ou du moins ce qu’il en reste.

Vous l’aurez compris, il s’agit de généralités dont j’ai forcé le trait afin de mieux marquer les différences, mais il existe toutes sortes de gradations, et voir même des métissages savoureux, tout du moins à observer.

Bien bien me direz-vous, mais toi, cher observateur à l’œil aiguisé, dans quelle catégorie te verses-tu ?

Alors soyons francs, nous sommes encore des Occasionnels, même si nous ne nous destinons évidemment pas à le rester.

Où serions-nous donc destinés à évoluer ? Notre garde-robe, ma propension maladive à l’optimisation gadgetoriale, ainsi que notre recours fréquent aux applications météo tendraient à nous pousser en direction du Symbiotique, tout en gardant une part non négligeable de sympathie pour la sociabilité éduquée des Jet-campeurs et les fraîches liquidités des Piliers.

Mais ceci, seul l’avenir nous le dira.

Stay tuned …

Responses

  1. collompelsa Avatar

    excellent exercice de sociologie démographique, on a l’impression d’y être !

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    1. ncjeanneret Avatar

      Merci 🙏🏼

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