Je n’irais par quatre chemins, et beaucoup d’entre vous ne sont pas sans le savoir, j’ai un énôôôrme à priori envers (Enver?) l’Albanie.
Pas explicable autrement que par les actualités et images de ce pays qui ont bercé mon jeune âge : pays fermé, paranoïaque, sorte de Corée du Nord méditerranéenne, avec la tyran indéboulonnable et increvable, Hodja, puis à sa mort une ouverture rapide, la reprise des coutumes ancestrale de vendetta (kanun) et une quasi guerre civile suite à des pyramides de Ponzi à l’échelle nationale. Et plus récemment, toutes ces histoires à propos de mafias albanaises, et de leur infiltration en Europe.
Et puis, à contrario, les quelques Albanais que j’ai eu l’occasion de côtoyer en Suisse , des gens plus que corrects, même plutôt très sympa, amicaux, rigolos, serviables.
Alors quand il a été question d’aller voir de plus près, vu qu’on était dans le coin, que le tour du Péloponnèse c’était fait (ou quasi), que les Météores c’est coché aussi, et que les promenades à ciel ouverts dans les montagnes grecques, on a donné (les Gorges de Viko, superbes), le reste ce sera pour une autre fois, quand ils auront arrêté le four à air chaud (mais chaud, mais chaud) qui ronronne au dessus de nos têtes, alors …



Faut vous dire que ma douce moitié et l’Albanie, c’est un sujet de conversation depuis quelques années déjà, comme quoi ce serait un beau pays, qui reste à découvrir, pas encore pourri par le tourisme de masse, une forme d’authenticité quoi, et jusqu’à maintenant mes à priori avaient tenu la dragée haute, ne reculant pas d’un pouce, ne cédant rien.
Mais là, on était à une heure de route de la preuve par quatre, du vécu propre, du témoignage en direct, c’était difficile de refuser. Des fois, je me demande si l’acceptation de mon idée du tour du Péloponnèse na pas été due qu’à cette proximité, soudaine et inopinée, du pays honni ou rêvé, cochez la mention qui vous convient.
Alors alors, te dis-tu, lecteur en mal de jugements à l’emporte-pièce et d’à posteriori saignants, alors alors, chroniqueur, révisas-tu tes opinions arrêtées sur le bas côté de tes plans de voyages ?
Et bien le bilan est simple : on aurait pu y rester sept jours, au plus, on est retourné en Grèce au quatrième 🤷🏼♂️
Mais nuançons ce qui pourrait sembler être au premier abord un constat plutôt sévère.
Le pays est impressionnant, du moins ce qu’on en a vu, du sud jusqu’environ au milieu. Ses montagnes pelées et ravinées encadrant de profondes et larges vallées, des plaines immenses, des rivières au lit large et à la couleur entre jade et émeraude.

Mais on sent un niveau de vie bas, très bas même, contrastant d’ailleurs sérieusement avec le surnom de Mercedes Land que tout conducteur l’ayant traversé comprendra vite (près d’un cinquième des voitures immatriculées en Albanie sont des Mercedes …).
À quoi peut-on juger ce niveau de vie ? Tout d’abord à l’environnement général: il est très dégradé, des monceaux d’ordures à tout bout de champs, des masures partout et des bâtiment à moitié construit, voir seulement en ossature, ou en ruine. On sent qu’une grosse crise est passée par là, et qu’elle s’y est installée, s’y sentant bien.
Ensuite des infrastructures délabrées, le signal pour moi qu’il importe avant tout de sauvez sa pitances et son avenir, celui de sa famille. Le reste, les biens communautaires, on a pas le temps, ni les moyens. Et pas (ou peu ?) de fonds européens pour aider. Mais on y reviendra.
Notre premier camping, à Gjirokaster, belle vielle ville en soi, un bazar un peu trop touristique peut-être. La rencontre avec Jimmy, le proprio. Son témoignage est sans appel : un boulot en fabrique rapporte entre 600 à 800 équivalent euro, impossible de vivre avec ça ici, même à à deux salaires. Donc il en faut au minimum le double, soit 2 boulots par personne pour s’en sortir, soi et sa famille. En ville c’est possible, en campagne …
Jimmy a lui-même bâti et gère son camping, en fait un parking en béton, un peu aménagé, à côté d’un resto, en sortie de la ville, super propre, et un soin de tout les instants pour ses hôtes. Mais ça marche de mars à juin et de à septembre à novembre. Sinon trop chaud ou trop froid, personne, alors il manage aussi une dizaine de boutique dans le bazar de Gjirokaster, et sa femme, qui est employée aux finances de la ville, nettoie aussi les infrastructures du camping, Et lui fait aussi le taxi, à prix réduit, pour ses « campeurs ». Et le fiston, jeune ado, aide ses parent et les campeurs, quand il n’est pas à l’école.


Autre témoignage, celui du vendeur de billet du site d’Apollonia, site au demeurant fort intéressant. À la question de savoir si à notre âge on fait déjà partie des seniors, et donc aux ayant droit du tarif réduit, il nous a répondu fort gentiment que celui-ci était réservé au seniors albanais, car leur rente s’élève en général à environ 10’000 leks par mois, soit environ 100 euro …
Et note que les prix généraux ne sont pas tant que ça en dessous du niveau des prix allemands ou espagnols.



Donc tout ça pour dire que l’environnement, la mise en valeur des beauté du pays, ça attendra qu’ils aient la tête hors de l’eau. Donc une économie qui fonctionne mieux, moins d’inégalités, et sans doute un meilleur fonctionnement démocratique. D’ailleurs le pays est candidat à l’adhésion à l’UE depuis 2014 … d’où, à la différence de la Grèce, le peu d’investissement dans les infrastructures.
Punie.
Les gens après, ces Albanais, alors, comment ? Et bien ils confirment mes expériences suisses : ils sont, sauf à de très rares exceptions, d’une gentillesse rare, d’une aide de tout les instants, et toujours à vous souhaiter une belle vie, « enjoy your life » semblant être le nouveau slogan national.
Perdu dans un village en plein jour de marché, avec un GPS qui s’obstine à nous envoyer sur un centre villageois devenu piétonnier. Un visage un peu hirsute, une barbe de trois jours, des traits burinés et recuits au soleil du coin se cadrent dans ma fenêtre : « Dis toi, tu parles français ? Tu vas à Fier ? Tu fais demi-tour, tu prends à droite, 50 mètres, et de nouveau à droite et c’est tout bon ! J’ai travaillé 20 ans à Neuchâtel. Allez, belles vacances! » et il retourne à sa terrasse de bistrot discuter avec ses copains. J’avais rien demandé, j’étais juste là, hésitant, arrêté dans un tournant devant le bistrot. Il s’était levé et était venu donner son coup de main, comme ça, naturellement, une plaque suisse, des souvenirs. Un exemple parmi d’autres.
Bénie.
Il reste évidemment le thème de la conduite automobile et des routes albanaises. Malgré une assez forte présence policière le long des axes principaux, la constatation est que si c’est moins pire que redouté, ça reste très très Rock’n’Roll, que de soit le style de conduite ou la qualité du réseau, hors d’un ou deux grands axes. Bon, après les routes de montagne du Péloponnèse, on était préparé, mais l’amabilité proverbiale albanaise constatée en dehors des véhicules semble disparaître totalement une fois le péquin (ou la péquinoise d’ailleurs) au volant. Surtout si le quidam possède une Mercedes noire ou tout autre gros SUV germanique bavarois de couleur sonbre. Je sais pas si c’est une forme de foi aveugle en son espérance de vie, ou alors une forme de roulette russe à quatre roues et six cylindres en ligne, mais le fait de couper les virages sans visibilité et à fond semble être à l’Albanais ce que le Hornuss est à l’Emmentalois : un sport national.
Bannie.






Bref, on a nuancé ; on a adoré Berat et la côte sud à partir d’en dessous de Himarë est très belle. Mais pour moi, le chapitre Albanie est refermé. J’ai certes beaucoup moins d’apriori qu’avant, j’ai un profond respect pour ce que vive les Albanais, qu’ils restent au pays ou émigrent pour un avenir qu’ils espèrent meilleur, mais je n’ai pas eu le coup de cœur pour leur pays, pays qui se vide daillleurs, puisqu’entre la balance natalité / mortalité et l’émigration, ils sont passés en quelques années d’un peu plus de 3 millions d’habitants à un peu moins de 2.8 millions.
Nous on a tenu quatre jours … et c’est vraiment parce que c’est des gens gentils, serviables, aimables et attentionnés. Et qu’on voulait voir de nos propres yeux.
Voilà, j’ai pas oublié « les têtes, » ça vient ça vient.
Patience, et stay tuned.

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