Mets tes bas, mettez haut, Météores.

On va pas chinoiser, leur truc-là, les Météores, c’est un truc de dingue.

On doit pas être les seuls à le penser, vu les hordes de cars, tous remplis de Chinois, Japonais, Italiens, Espagnols, Français, Allemands, Anglais, Américains, j’en passe et des moins nombreux. C’est d’ailleurs la deuxième attraction touristique grecque après le fameux Accroc de l’apôtre Paul, à Athènes.

“Mais de quoi s’agit-il, chroniqueur à la petite semaine, en RTT permanent et delirium très mince ?” te demandes-tu à juste titre, lecteur* impatient et néanmoins penché sur ton smartphone tel un moine sur la recopie de son manuscrit, quoique lui au moins ne faisait pas tourner des serveurs au fin fond de l’Islande pour satisfaire ses besoins intellectuels, qu’il avait de toute façon probablement modestes, mais on diverge me semble-t-il, on diverge (en un mot, restons correct).

(* tu l’auras remarqué, lectrice attentive et encore laborieuse, j’écris toujours au masculin. Ce n’est pas par parti pris, ni par excès de toasts au stérones, mais seulement pour ne pas alourdir le texte (oui, déjà que …) par des formules inclusives et très en vogue, et, je l’avoue humblement, que je ne maîtrise pas vraiment, pur produit des sixties que je suis)

Donc, de quoi qu’on parle là exactement ?

Cela va sans doute ravir les plus british d’entre nous, mais il s’agit à la base de poudingue datant du cénozoïque et érodé depuis. Alors certes, le poudingue british ne se mange jamais tout frais confectionné, faut laisser la bête pendre corps et distiller ses puissants arômes, mais là ça fait quand même 66 millions d’années que ça a commencé, my Gosh, isn’t it a little late for the pudding ? Parait d’ailleurs qu’on y vit encore dedans, pas le poudingue, non (quoique ?), je parle du cénozoïque. Non, ce n’est pas la célèbre pâte à tartiner dont votre chroniqueur favori est si friand, non, il s’agit d’une ère géologique, et les géologues, moins pondeurs que leurs collègues historiens hellènes en ce qui concerne la dénomination des époques, n’en sont qu’à leur troisième, après le Paléozoïque et le Mésozoïque. En tout cas pour l’éon actuel. Non pas Léon, même s’il a un beau camion, l’éon, avec un appeaux à strophes …

Il y en quatre depuis le début de la formation de notre boule bleue, des émis, et l’actuel est le Phanérozoïque, mais je te rassure, les précédents n’ont donné à priori aucun autre style de colonnes que les six que tu as révisé récemment.

Ah, la régie me signale que le poudingue dont on parle ici n’a pas de raisins secs, mais bien des petits galets ronds à la place, le reste étant constitué de sédiments accrétés et consolidés. Merci la régie de cette précision, en effet, même en y regardant de près, aucune trace de raisins dans la roche.

Alors comment que quoi comment ? Et bien les sédiments et ces fameux petits galets, purs produits du Tertiaire, ont été accrétés par un affluent de la mer de Thessalie, bien avant la formation de la péninsule hellénique qui, détournant cet affluent de son droit chemin, a mis une telle pression sur ces alluvions qu’ils en ont été tout métamorphisés (oui oui ,-phisés, pas -phosés, on parle de roches là, pas d’entités du règne végétal ou animal, qui eux peuvent -phoser), puis poussés en hauteur par le plissement du terrain, et enfin érodés par les quelques millions d’années qui ont précédés l’arrivée de Sapiens, et donc des moines, et donc des cohues de touristes de l’empire du milieu.

Mais tout d’abord les moines. Quelle idée d’aller se planter sur ces pythons inaccessibles, me diras-tu ? Et bien saches que c’est déjà un progrès, vu qu’au début ces ahuris, oui, car franchement pour choisir d’être moine et en plus aller se planter là-haut, faut pas être trop réveillé non plus, hein, bon. Donc ces ahuris avaient juste un chouïa aménagé des grottes comme celle que tu vois ci-dessous :

D’ailleurs on y voit encore les échafaudages en bois qui permettait de les aménager en HLM, Habitation à Latrines Machiavéliques, tu devineras sans doute tout seul le pourquoi de cet adjectif …

Mais c’est le fameux (?) Athanase, chassé du Mont Athos (cf https://brexitbreakout.wordpress.com) par les constantes invasions de pirates turcs, qui, avec deux autres camarades fans d’ascétisme et sur les conseils d’un évêque local qui visiblement aimait à peupler ses arrière-paroisses, donc Athanase en 1333 environ (on est pas à une année près en ce temps-là, et 1333 c’est plus facile à retenir que 1334) a l’idée d’agrandir une chapelle perchée sur un des ces doigts et d’en faire une communauté d’ascètes, même si apparement dès le début ils étaient déjà plus.

Tu connais Sapiens, même barbu, habillé tout en noir, avec une longue jupe et une barbe blanche qui, trempée dans la soupe, pèse plus lourd que le bonhomme lui-même, même comme ça, ça a attiré d’autres du même genre, hippies avant l’heure, en recherche de communautés et de partages, et que je te plante un monastère à gauche, à droite, chiche que t’oses pas là, t’es pas cap d’en mettre un là, bref, on refait pas le mâle Sapiens, même en jupette, c’est toujours à celui qui en aura une plus grosse, une plus grande, de voiture, de maison ou de collection de timbre, bien sûr.

Alors voilà le résultat aujourd’hui, vu de loin c’est très beau, vu de près c’est très, mais alors très fréquenté :

Vue de la ville de Kalambaka
Oui Elsa, ici aussi, partout partout …
L’échelle qui traumatisa les premiers touristes, heureusement remplacée depuis par des escaliers et des ponts … en dur.
Le crochet, qui il y a peu encore, au bout d’une corde et d’un cabestan, permettait l’accès aux biens et personnes, elles-mêmes empaquetées dans un filet

On dit d’ailleurs que les moines ne changeaient la corde que quand elle cédait, la providence faisant en sorte qu’aucun humain ne soit dans le filet à ce moment-là. Ça s’appelle la confiance en son destin …

La planche sur laquelle on frappait pour annoncer les offices, le talanto. À droite donc. Inspiré paraît-il du bois sur lequel frappait Noë pour signaler l’embarquement dans son arche : Gate twenty-four, passenger Fox and Hippopotamus, please join immediately gate twenty-four for boarding, passenger Fox and Hippopotamus.

A noter la tenue exotique de la visiteuse d’un jour : à faire pâlir Lagerfeld, si cela était encore possible, vu que le pauvre … enfin, pauvre, façon parler. Mais pour en revenir à la tenue, et au titre du post, c’est jupe longue pour les dames, le pantalon étant sans doute trop sexy, et pantalon long pour les hommes, et en haut pas d’épaules dénudées, quelque soit le genre, dieu sait quelles idées cela pourrait sinon donner aux moines ascètes, à condition bien entendu qu’ils lèvent les yeux de leur smartphone …

Il semble bien qu’un chouïa de modernité se soit subrepticement introduit dans les moyens d’accès, mais c’est encore fort rudimentaire et réservé sans doute à des paroissiens à mobilité réduite et foi intacte. Et cœur bien accroché aussi.
Réserve de vin des moines. Amon avis, l’ascétisme devait quand même être un peu joyeux par là-haut, à voir la taille du truc.
Je connais pas grand chose aux styles des icônes, mais là, j’oserais presque parler d’un style “Mar a Lagoesque”

Voila, un bref aperçu d’une des merveilles de notre monde, et même s’il y a foule, ça vaut vraiment le déplacement.

Et comme un moment de vanité est si vite passé, je ne résiste pas à vous montrer les progrès en terme d’aménagement de Mazette :

Alors c’est pas un berbère ni un kilim, mais c’est cosy quand même. Je sais, on s’éloigne de l’ascétisme, mais bon, c’est pas comme si on en avait été proche une fois …

Et puis c’est tout pour aujourd’hui, stay tuned, nous, on va aller du côté de Albanie voir si on y est.

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